SOUVENIRS DE VACANCES

Photographies de Laurent Hini

Partir en vacances, c’est la possibilité d’un ailleurs ressourçant, c’est pouvoir disposer d’une réelle pause dans son quotidien, surtout quand celui-ci est constitué de contraintes et « d’empêchements ». Les vacances sont un besoin vital pour l’être humain dont trop de personnes sont privées. Chacun devrait pouvoir, à tout âge, disposer dans sa vie de ces temps de liberté, d’ouverture, de rencontres et de joie que sont les vacances.
Dans cette exposition de photographies, avec malice et authenticité, six personnes accompagnées partagent leur meilleur souvenir de vacances d’enfance. Dans des décors reconstitués à partir de leurs souvenirs, les compositions nous plongent dans une parenthèse onirique et nous transportent dans ces moments suspendus propres aux vacances. Les souvenirs sont projetés en diapositives et le présent se réinvente en faisant dialoguer l’enfant d’hier et la personne âgée d’aujourd’hui. Les photographies ressuscitent le passé pour montrer combien l’extraordinaire pulsion de vie, de découverte et de rencontres ne s’étiole pas avec l’âge.
Depuis près de 80 ans, les Petits Frères des Pauvres se mobilisent pour permettre aux personnes âgées les plus isolées de partir en vacances et leur redonnent ainsi le sentiment d’exister, de faire partie du monde qui les entoure. En 2023, près de 3 000 personnes âgées sont parties en vacances.

En France, La loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a inscrit le principe du droit aux vacances en rappelant que « l’égal accès de tous, tout au long de la vie, à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs, constitue un objectif national. Il permet de garantir l’exercice effectif de la citoyenneté ».

Laurent Hini est un photographe autodidacte. De formation scientifique, il est devenu photographe par passion. Il a beaucoup travaillé pour la mode et la publicité.
Spécialisé dans le portrait, c’est un artiste visuel dont le travail se caractérise par le soin particulier qu'il porte à la création lumière.

Raymonde, 81 ans
Près des autos tamponneuses…


Raymonde a grandi à Aubervilliers en Seine-Saint-Denis. Son enfance a été difficile. Elle n’a pas reçu d’amour de la part de sa mère et n’a jamais pu partir en vacances. Ses seules échappées à une vie difficile, elle les trouvait à la fête foraine dans laquelle elle flânait pendant des journées entières. Elle était bien connue des forains qui lui offraient un peu de chaleur, de générosité et de gentillesse. Elle y mangeait des bonbons et appréciait la présence des vacanciers venus profiter des attractions. Ce souvenir heureux, entourée de gens qui l’aimaient représente son plus beau souvenir.
Raymonde est accompagnée par l’équipe Paris Plaisance depuis 2013, elle fréquente très régulièrement les animations qu’organisent les Petits Frères des Pauvres au 19|46. Elle a également eu l’occasion de partir en vacances avec l’Association et prend beaucoup de plaisir dans ces moments partagés. Devenue égérie du 19|46, elle a défilé à l’Hôtel de Ville de Paris en 2022 et a prouvé sa détermination et son talent en jouant cette année dans la pièce de théâtre M’en Allant Promener, écrite par Jean-Frédéric Vernier.

“ Les séjours avec les Petits Frères des Pauvres, ça apporte que du bonheur !”

Marta, 86 ans
Et j’entends siffler le train…

Marta est d’origine équatorienne, elle a grandi à Quito avec sa grand-mère. Elle a obtenu un diplôme de kinésithérapie et a travaillé dans l’hôpital de la sécurité sociale de l’Equateur.
Dans un récit rendu haletant par les souvenirs intacts qui jaillissent de sa mémoire, elle évoque son souvenir de vacances comme une réelle aventure alors qu’elle n’avait que 5 ans. Son premier voyage à travers l’Equateur dans le célèbre train “El nariz del Diablo” (le nez du diable) ressuscite la malice de la petite fille qu’elle était. Alors que le train entamait l’ascension d’une montagne, en perte de vitesse, il a brusquement fait marche arrière.
Ce que Marta a préféré de ce long trajet en train, c’est le défilé des marchands qui montaient par dizaines à chaque arrêt, et qui emplissaient le wagon d’une multitude d’odeurs de cosas finas, gastronomie équatorienne, pour lesquelles elle dépensait tous les sous que sa grand-mère lui avait donné.
Marta est accompagnée par l’équipe de Cergy depuis 2018. Pétillante et chaleureuse, elle est fière d’avoir défilé pour les Petits Frères des Pauvres à l’Hôtel de ville de Paris et consent volontiers à prendre la pause (pose non ?!!) pour la bonne cause. Encore aujourd’hui, elle part en séjour avec les Petits Frères des Pauvres et soutient que partir en vacances, c’est pour tous les âges !

“Nous, les personnes âgées, avons aussi le droit de sortir. De partager avec les gens.

Jean-Paul, 72 ans
J’ai deux amours, mon pays et Paris…

Jean-Paul est né au Maroc, ses parents se sont installés en France alors qu’il était très jeune. C’est dans le Paris d’après-guerre qu’il a grandi, dans une chambre de bonne au sixième étage. Selon le salaire de ses parents, il partait parfois en vacances durant l’été.
Il se souvient du camping comme une expérience formidable mais le souvenir de vacances qui demeure le plus excitant à ses yeux, c’est précisément lorsqu’il n’est pas parti. Depuis le pont d’un bateau mouche, le défilé des monuments de Paris l’a saisi et émerveillé. Jean-Paul est extrêmement attaché à sa ville Lumière. Il a travaillé pour la Mairie de Paris toute sa vie et ne s’est jamais lassé de son atmosphère. Il aime s’y promener et profiter de ses terrasses.
Le décès de ses parents l’a plongé dans une profonde solitude et c’est sa rencontre avec les Petits Frères des Pauvres qui lui a permis d’en sortir. Depuis 2009, il est accompagné par l’équipe de Pantin et se sent accueilli, entouré, et ressourcé.
Jean-Paul a une énergie débordante et un certain flegme qui met tout le monde à l’aise. Bon vivant et bon camarade, il sait apprécier les plaisirs simples et essentiels de la vie et n’hésite pas à se lancer dans de nouvelles expériences.
“Pour comprendre la solitude, il faut l’avoir vécue.
Depuis que je connais les Petits Frères des Pauvres, je ne me sens plus seul”.

Françoise, 78 ans
La mer, qu’on voit danser…

Françoise Minette ne se souvient pas avoir vécu une enfance joyeuse, sa mère et elle n’ont pas été proches, et son père lui est inconnu. Parce qu’elle vivait dans une famille nombreuse, elle ne partait pas en vacances. Son rêve d’enfant : voir la mer !
C’est avec son premier salaire, à l’âge de 19 ans, que Françoise est partie en vacances pour la première fois. Accompagnée d’une amie, elle s’est offert une semaine en bord de mer. Encore aujourd’hui, ses yeux pétillent à l’évocation de ce souvenir qui constitue un plaisir durement gagné. Le soleil qui réchauffait son corps, le sable qui caressait ses pieds et les vagues qui la berçaient, autant de sensations que Françoise n’est pas près d’oublier.
A 78 ans, Françoise est une femme lumineuse et coquette dont la douceur et l’élégance laissent deviner la jeune femme qu’elle était.
Accompagnée depuis 2003 par l’équipe Pairs Canal Saint-Martin, elle se réjouit que l’Association lui apporte au quotidien rencontres et chaleur humaine.

” L’été quand je vois tout le monde partir et que je reste là, ce n’est pas toujours évident ”.

Dominique, 75 ans
On allait au bord de la mer …


Dominique Nanquette a grandi à la campagne. Il a eu une enfance pleine de jeux et de liberté. Ses premières vacances en famille au bord de la mer l’ont marqué à jamais. La douceur marine, les visites de la région, la pêche aux moules et aux crabes colorent les souvenirs de ses vacances d’enfant. Il y avait aussi le camping, ce terrain qui lui offrait mille possibilités et un sentiment de liberté : il se souvient jouer avec les autres enfants et rentrer à n’importe quelle heure. Dominique aurait voulu partir pêcher en mer, il aime ce que cette activité lui inspire en calme et en observation.
Aujourd’hui, Dominique est un homme discret. Derrière une timidité apparente, il demeure ce petit garçon avide de découvertes, curieux des autres et satisfait des choses simples et des échanges naturels. Il éprouve toujours un grand plaisir à partir en vacances, c’est pour lui une occasion de changer son quotidien et ses habitudes.
Dominique est accompagné par l’équipe Paris 20 e , Couronne Belleville depuis 2004. Il a eu l’occasion de partir en séjour avec les Petits Frères des Pauvres à plusieurs reprises. Sa présence régulière aux animations du 19|46 lui a permis de sortir de sa solitude, de tisser des liens avec des personnes de tout âge et de gagner en assurance dans ses interactions avec les autres.

“Les vacances apportent le changement, une rupture avec les habitudes et la routine.”

Patrick, 65 ans
C’est un beau roman, c’est une belle histoire…

Patrick Geffroy est né en Bretagne mais a vécu à Paris depuis l’âge de deux ans. Bien que sa jeunesse ait été parfois « rock’n’roll », il en garde de très bons souvenirs et s’y replonge bien volontiers.
Durant les vacances d’été, il partait pendant deux mois entiers dans des familles d’accueil. Ces moments lui procuraient de réelles ruptures avec sa vie citadine et lui permettaient de changer de monde, de repères et de se sentir libre.
Son souvenir de vacances le plus fort, il le doit à une rencontre qu’il partage de sa voix profonde et douce. Une rencontre qui s’est jouée sur un regard silencieux alors qu’il glissait, à 11 ans, vers l’adolescence. Un square l’été, des enfants qui jouent, une petite fille sur son vélo rouge et le regard de Patrick ému qui ne peut se détacher d’elle. Ce temps suspendu s’est prolongé deux semaines durant lesquelles Patrick n’a pas osé lui adresser la parole. Ce souvenir clair et délicat, aussi puissant qu’il est commun, demeure le plus fort souvenir de vacances de Patrick mais aussi sa plus belle histoire d’amour.
Patrick est accueilli depuis 2018 par les Petits Frères des Pauvres. Rêveur, peintre et acteur, il vit sa retraite comme une opportunité pour expérimenter et créer. Ce jeune garçon silencieux vit toujours en lui.

“ Il y a sûrement un rapport avec les vacances de l’enfance dans ce que je fais aujourd’hui.”